Serge Nédélec nous a proposé les contes suivants...


 

1-L’origine des contes

 

Conte d’Afrique

Un jour, l’araignée, tissant sa toile, trouva dans les airs une branche d’un arbre inconnu qui pendait du ciel. Elle allongea le fil, l’étira, tant et si bien qu’elle prit appui sur cette branche et atteignit le ciel.

L’araignée explora les nuées...

Vaste monde !

Une araignée n’est pas une bête courageuse. Elle s’arrêta auprès de la première caverne quelle rencontra. Cette caverne était habitée par un génie, et comme la bête mourait de faim, le génie lui donna une ample provision de manioc que la goulue dévora dans la nuit.

Le lendemain, comme elle se disposait à redescendre sur la terre, l’araignée vit que le vent avait arraché sa toile.

Pleurs et cris ! Le génie entendit ses lamentations, et pitoyable lui dit :

-Nous allons attacher une corde à la branche qui t’a aidée à monter. Tu te laisseras glisser le long de cette corde qui, à longueur de jour, contient un noeud. Tu as à faire un long chemin de descente. Prends ce petit sac...Il contient de la nourriture. A chaque noeud que porte la corde, tu pourras te reposer et te restaurer.

-Merci, dit l’araignée. Et si tu me donnais aussi ce canari .

Elle montrait, dans un coin de la grotte, un petit pot de terre cuite, devant lequel le génie se précipita en criant :

-N’y touche pas !

-Je ne pensais qu’il contenait de l’eau pour ma soif, dit l’araignée.

-Que contient-il...?

-Il est plein de choses qui ont peut-être une certaine valeur, mais qui ne désaltère pas les araignées !

Et le génie s’en fut, après avoir fait à l’araignée ses recommandations :

-Tu prendras aussi avec toi ce tam-tam. Quand tu seras arrivée sur terre, tu frapperas un grand coup, pour faire résonner la peau. Et alors moi, je remonterai la corde.

Intriguée par ce canari bien fermé, l’araignée restée seule préféra l’emporter sur la terre, plutôt que de se charger de nourriture.

Elle commença sa descente. Il lui fallut un jour pour atteindre le premier noeud...deux jours pour arriver au second...trois pour parvenir au troisième.

Une corde longue comme plusieurs jours sans pain !

L’araignée, mourant de soif, avait à peine la force de s’accrocher de toutes ses pattes à la corde.

Souvent, elle pensa tout lâcher. Mais les araignées tiennent à la vie, et celle-ci défendait la sienne en essayant de toucher terre le plus vite possible.

Elle arrivait à moins d’un jour du sol, quand des singes qui jouaient à lancer des pierres heurtèrent le tam-tam qui sonna !

Ce son monta vers le ciel.

"Voilà cette sotte bête arrivée sur terre", pensa le génie.

D’un coup brusque il remonta la corde, et celle-ci se cassa.

L'araignée tomba...et le canari ...

L’araignée se brisant... le canari aussi.

Ce canari était rempli jusqu’aux bords des contes qui s’étaient perdus. Ils se répandirent...

En trouve qui sait dans la Grande Brousse. Il y en a un peu partout...

 

 

 

Extrait de René Guillot, Contes de la brousse fauve,

éditions Folio Junior 1979.

2-La Naissance du Sahara

Conte du Maghreb

Dans un village du Sud près de Touggourt en Algérie, vivait un marabout, sage, estimé et très bon.

Il priait à longueur de journées et même par les nuits de clair de lune; on pouvait voir sa silhouette se découper dans le ciel clair obscur, égrenant son chapelet et méditant sur la gentillesse ou la méchanceté des hommes, en communion avec son Dieu, c’est à dire Allah !

Il était respecté par tous les gens du pays et on venait de loin pour lui demander conseil.

Un jour qu’il méditait, assis sur son tapis de prières, il vit venir à lui un grand seigneur, accompagné de son armée. Il venait le voir afin de lui demander son aide et celle de ses sujets pour se battre et défendre leur terre si riche et si fertile que beaucoup d’ennemis convoitaient.

Le sage marabout sentit là un très mauvais présage, mais promit toute son aide à ce puissant seigneur.

Il descendit de la montagne sur laquelle il vivait isolé, au milieu des grands arbres, des fleurs, de la verdure, des sources et des chants d’oiseaux, afin d’aller demander aux habitants de cette belle oasis de paix et de fraîcheur, de ce paradis merveilleux, d’offrir leur aide au pauvre seigneur, si ennuyé par les armées ennemies.

Mais les habitants de ce pays si doux, situé en plein coeur d’une région que l’on appelle maintenant le Sahara, répondirent par un refus catégorique et ils firent la sourde oreille à ses exhortations. Ils étaient si heureux ainsi, si tranquilles ! Il fallait les laisser en paix.

Privé de leur aide, le puissant seigneur fut battu, ses troupes décimées. La colère du vieux marabout fut alors terrible.

Il partit, son bâton de pèlerin à la main, maudissant ce peuple, son peuple, qui n’avait pas voulu donner son aide au seigneur, et envoya des malédictions sur cette terre fertile qui, peu à peu devint sèche et aride.

Les rivières se tarirent dans leurs lits, les arbres périrent d’une étrange maladie, les beaux jardins emplis de fleurs et la verdure qui faisaient de cette contrée une des plus riches du Sud dépérirent, il ne resta plus que des tas d’herbes sèches que le vent violent du désert emporta bien loin.

Plus d’eau, plus d’arbres, plus de verdure, donc plus de fraîcheur !

La région devint un pays désertique et nu, où quelques pousses s’accrochèrent péniblement çà et là, on l’appela Sahara.

Mais Dieu eut pitié de cette terre désolée.
Soufflant sur des pétales de roses, il en forma des oasis, où l’eau coule fraîche et limpide, où des palmiers donnent une ombre agréable aux pauvres habitants de ce pays qui fut jadis si riche et qui est devenu un vaste désert.

 

Extrait du livre Contes et Légendes du Maghreb

de Mireille de Régla, édition Nathan 1968.

3-Pourquoi la grenouille vit elle

dans l’eau ?

Conte d’Afrique de l’Ouest

Un jour, la grenouille alla trouver la tortue et lui demanda :

-Tortue, fais moi une amulette (un pouvoir magique) qui me permettra de vaincre tous les animaux à la lutte.

-J’accepte, mais à une condition : tu ne lutteras jamais contre moi.

-Entendu. Nous serons toujours des amis et nous ne nous battrons jamais.

La tortue prit son temps pour confectionner l’amulette qui allait transformer la force de la grenouille, lorsqu’il fut prêt, elle le lui donna. Dès l’instant où elle s’en saisi, la grenouille sentit subitement sa force croître considérablement.

Alors, la grenouille invita tous les animaux de la brousse et leur lança un défi :

-Je suis plus fort, et aucun d’entre vous n’est capable de me battre.

Tous les animaux rirent de tant de vanité, pour qui se prenait elle tout à coup la grenouille ?

Le rat fut désigné pour se battre en premier et fut battu en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Puis, à son tour, le lièvre accepta le combat. La grenouille l’attrapa par les oreilles et l’envoya avec force contre le sol. Il ne s’en releva pas.

Après le lièvre, ce fut le tour de l’âne qui faillit se rompre le cou, tant sa chute fut terrible.

Et ainsi de suite, les différents animaux de la brousse vinrent combattre la grenouille qui s’en sortit à chaque fois avec une incroyable facilité.

Le lion fut le dernier à accepter le combat. La petite grenouille terrassa le roi de la brousse, au grand étonnement de tous.

Fière d’elle même, notre grenouille se disait que la victoire serait vraiment complète si la tortue était de la fête.

Remplie d'orgueil, la grenouille oubliant sa promesse s’adressa à dame tortue en ces termes :

-Hé ! Tortue, ne pense pas que j’ai peur de toi, viens ici, nous allons nous battre.

-Grenouille, ne te souviens-tu pas de ta promesse ?

-C’est la peur qui te fait parler chère amie, et nous verrons laquelle de nous deux est la plus forte.

La tortue accepta le combat. Mais avant la lutte, elle enleva à l’amulette de la grenouille son pouvoir magique.

Le combat s’engagea entre les deux amies. Dame tortue prit la grenouille par une patte de derrière, la fit tournoyer puis l’envoya dans les airs.

La grenouille tomba dans une mare pour cacher sa honte. Elle y resta.

Ainsi, la grenouille fut payée de son ingratitude.

Nos ancêtres disent que l’ingratitude est toujours mal payée.

Soyons reconnaissants envers nos bienfaiteurs.

Conte traditionnel adapté par Chiaka Diarassouba

éditions Fayida à Bamako, Mali, 1991.

4-Voilà pourquoi

l’eau de mer est salée...

Conte de Chine

Il y a fort longtemps vivaient en Chine deux frères.

Wang l’aîné était le plus fort et brimait sans cesse son cadet. A la mort de leur père, les choses ne s’arrangèrent pas et la vie devint intenable pour Wang cadet; Wang l’aîné accapara tout l’héritage du père : la belle maison, le buffle, et tout le bien. Wang-cadet n’eut rien du tout et la misère s’installa bientôt dans sa maison.

Un jour, il ne lui resta même plus un seul grain de riz. Il risquait de mourir de faim, alors, il se résolut à aller chez son frère aîné.

Arrivé sur place, il le salua selon la tradition et lui annonça sans détours ce qu’il était venu lui dire :

-Frère aîné, prête-moi un peu de riz pour me nourrir.

Mais son frère, qui était aussi avare que riche, refusa tout net de l’aider, le frère cadet repartit chez lui.

Ne sachant que faire, Wang-cadet s’en alla pêcher au bord de la mer Jaune. La chance n’était pas avec lui car il ne parvint même pas à attraper un seul poisson.

Il rentrait chez lui les mains vides, la tête basse, le coeur lourd quand, soudain, il aperçut une solide meule en pierre au milieu de la route.

"Ça pourra toujours servir ! " pensa-t-il en ramassant la meule, et il la rapporta à la maison.

Dès qu’elle l’aperçut, sa femme lui demanda :

-As tu fait bonne pêche ? Nous rapportes-tu beaucoup de poisson ?

-Non, femme ! Il n’y a pas de poisson. Je t’ai apporté une meule.

-Ah Wang-cadet, tu sais bien que nous n’avons rien à moudre : il ne reste pas un seul grain dans la maison.

Wang-cadet posa la meule par terre et, de dépit, lui donna un coup de pied. La meule se mit à tourner sur elle même, à tourner et à moudre. Il en sortait du sel, des quantités de sel. Elle tournait de plus en plus vite et il en sortait de plus en plus de sel. Wang-cadet et sa femme étaient tout contents de cette aubaine et la meule tournait, tournait et le tas de sel grandissait, grandissait.

Au bout de quelque temps, Wang-cadet commença à prendre peur et se demandait comment il pourrait bien arrêter la meule. Il réfléchissait, calculait, il ne trouvait aucun moyen. Soudain, il eut enfin l’idée de la retourner, et elle s’arrêta d’un seul coup.

A partir de ce jour, chaque fois qu’il manquait quelque chose dans la maison, Wang-cadet poussait la meule du pied et obtenait du sel qu’il échangeait avec ses voisins contre ce qui lui était nécessaire. Ils vécurent ainsi à l’abri du besoin, lui et sa femme.

Mais le frère aîné apprit bien vite comment son cadet avait trouvé le bonheur et il fut assailli par l’envie. Il vint voir son frère et dit :

-Frère-cadet, prête-moi donc ta meule, cela me rendrait bien service.

Le frère cadet aurait préféré garder sa trouvaille pour lui, mais lui il avait un profond respect pour son frère aîné et il n’osa pas refuser.

Wang-l’ainé était tellement pressé d’emporter la meule que Wang-cadet n’eut pas le temps de lui expliquer comment il fallait faire pour l’arrêter. Lorsqu’il voulu lui parler, son frère était déjà loin, emportant l’objet de sa convoitise.

Il était très heureux, le frère aîné. Il rapporta la meule chez lui et la poussa du pied. La meule se mit à tourner et à moudre du sel. Elle moulut sans relâche, de plus en plus vite. Le tas de sel grandissait, grandissait sans cesse. Il atteignit bien vite le toit de la maison. Les murs craquèrent. La maison menaçait de s’écrouler.

Wang-l’aîné prit peur. Il ne savait pas comment arrêter cette meule. Il eut l’idée de la faire rouler hors de la maison, qui était sur une colline. La meule dévala la pente, roula jusque dans la mer et disparut dans les flots.

Depuis ce temps-là, elle continue à tourner au fond de la mer et à moudre du sel. Personne n’est allé la retourner.

Et voilà pourquoi l’eau de la mer est toujours salée.

Conte de Chine source site internet :

www.chez.com/fleclochette/

5- La légende du café

Conte d’Algérie

Ma vieille amie se prénommait Fatima. C’était une femme qui passait beaucoup de temps à réfléchir et à méditer. Assise à quelques mètres de son gourbi sur une pierre plate, elle filait la toison d’un mouton qu’un voisin complaisant lui avait offerte.

Elle avait une façon de filer assez étonnante, tordant très finement la laine entre le pouce et l’index et l’enroulant autour d’un gros bobinot.

Un jour j’allais la voir, je la trouvais près de son foyer, préparant un excellent café dont elle avait le secret.

Elle me fit signe de m’accroupir auprès d’elle et me tendit une tasse minuscule de ce nectar. En me tendant ce bon caouah, elle me dit avec une pointe d’humour dans le regard :

- Je suis sûr, ô mon amie que ru ne connais pas la légende du caféier !

-Ah non ! ni toi, ni personne ne m’en a parlé.

-Allah Akbar ! (dieu est grand), il y a très longtemps de cela, près de Biskra (Oasis située près des Aurès en Algérie), vivait un lettré.

Il avait beaucoup d’écritures à faire, et son drame, c’est qu’il ne pouvait pas veiller et travailler le soir, le sommeil le terrassait, aussi était il bien ennuyé.

Ce savant avait une chèvre dont il faisait traire le lait, c’était sa seule boisson car il était très sobre.

Chaque matin, un berger menant paître son troupeau la prenait au passage et la ramenait le soir les pis gonflés. Quand rentrait l’animal, le savant allait la voir et admirait sa vitalité.

La chèvre sautait, cabriolait et bêlait toute la nuit; c’était d’ailleurs les voisins qui l’en avaient averti, car lui hélas dormait profondément.

Elle ne paraissait jamais lasse et le lettré en était très intrigué. Que pouvait elle manger qui la rendit si excitée ? Aussi l’homme voulut-il en avoir le coeur net et, un matin, quand le berger vint chercher la chèvre, il décida de l’accompagner.

Arrivés sur les lieux du pâturage, les animaux s’égaillèrent dans la nature et le savant suivit sa chèvre qui le mena tout droit vers un arbuste aux fruits rouges dont elle commença à se régaler.

A son tour, l’homme s’approcha, cueillit une grande quantité de ses fruits et s’en revint chez lui impatient de les goûter et d’en connaître les effets. Il en croqua quelques unes mais les recracha aussitôt.

-Pouah! fit il c’est vraiment mauvais !

Je pourrais essayer d’en faire bouillir une poignée ? Ce qu’il fit et alors un petit miracle se produisit : en buvant ce nectar, après l’avoir abondamment sucré, il sentit tout à coup, dans son corps et dans son esprit, un bien-être et un courage extraordinaires.

Il en reprit une tasse le soir avant de se mettre à son travail et put grâce à ce breuvage, écrire fort tard dans la nuit, car le sommeil l’avait fui.

Et voici mon amie comment l’homme a découvert le café : grâce à une chèvre ...

Extrait du livre Contes et Légendes du Maghreb

de Mireille de Régla, édition Nathan 1968.

6-Comment naquit le requin

Conte d’Asie du Sud Est

 

Il y a bien longtemps, Tahika habitait Palauig, sur la côte ouest des Philippines.

C’était un individu immensément riche, sans nul doute l’homme le plus riche à cent lieues à la ronde. Il possédait même un port où il rangeait sa flottille de bateaux, qu’il louait à des pêcheurs du coin à des prix exorbitants. Tout le monde lui devait de l’argent, et pas un qui savait comment lui rendre. Et comment auraient ils pu ces pauvres bougres ? Ici, à Palauig, tout appartenait à Tahika. Bateaux, hangars, filets, nasses. Tout.

Et croyez vous qu’il fut généreux pour autant ? Par les moustaches du poisson-chat, certainement pas ! Il n’y avait pas homme plus cupide, plus égoïste que cet homme-là. Si bien que les jours passaient et Tahika devenait de plus en plus riche. Et les pêcheurs du coin de plus en plus pauvres.

La famine qui se déclara à l’époque sur les côtes de la mers de Chine n’arrangea rien. Terrible famine, qui décima la population. Mais ne dérangea nullement Tahika car il avait amassé dans ses greniers de quoi tenir jusqu’à la fin du monde, si elle arrivait un jour ! Et ce répugnant personnage était bien décidé à ne rien partager.

Plusieurs pêcheurs l’avaient bien supplié de leur donner un peu de poisson séché, quelques mesures de riz pour leurs enfants affamés. Mais c’était comme s’ils avaient voulu attraper une anguille à mains nues ! Rien n’y faisait. Egoïste il était, égoïste il restait. Une nuit qu’une terrible tempête s’était abattue au dessus du village, un vieillard vint frapper à la porte de l’avare.

-Que veux-tu, vieux loqueteux ? demanda-t-il méchamment.

-Juste un quignon de pain et un abri pour la nuit, honorable seigneur.

Tahika eut une moue de dégoût.

-Arrête de m’importuner avec tes gémissements, si tu as faim trouve-toi à manger.

Les yeux du vieil homme brillèrent de colère. Il leva la main et dit :

-Tahika, tu es aussi cupide qu’égoïste. Crois-moi tu regretteras un jour d’avoir été si méchant.

Et il tourna les talons. Laissant résonner ses paroles terribles à l’oreille de Tahika.

Cette nuit là, la tempête ne se calma point. Il semblait au contraire qu’elle prenait de l’ampleur avec la nuit qui passait.

La mer se gonfla de vagues furieuses et inonda le village. Soudain une lame plus forte que les autres balaya la riche demeure de Tahika, emportant l’homme avec elle.

Il eut beau se débattre, l’eau l’entraînait au loin, comme un tourbillon maléfique. Bientôt il sentit son corps devenir froid comme la glace.

-Sauvez-moi ! Hurlait-il. Je vous donnerai tout l’or que je possède !

Mais personne ne l’entendit. Tahika ne possédait plus rien.

Puis, quelque chose d’extraordinaire se produisit : les jambes de Tahika se transformèrent en une longue queues noire, sa tête changea de forme, da peau devint dure comme de la pierre, ses dents devinrent plus acérées qu’une lame d’un couteau. Et la mer l’engloutit.

Au dessus des vagues en colère, éclata alors le rire de Néguno, le maître de la mer. Néguno qui venait de déchaîner les flots pour punir Tahika.

Rappelez-vous : ce misérable vieillard, qui réclamait du pain. Il venait de changer l’avare en requin.

 

 

 

Extrait du livre Mille ans de contes de mer,

édition Milan, 1994.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

7-La légende du maïs

Conte d’Amérique du Nord

Il y a longtemps vécut en Amérique un enfant indien nommé Wunzi.

C’était un garçon doux, fluet, toujours souriant, insouciant et pacifique. Il était pauvre, trop grand pour son âge, un peu voûté tant il était maigre.

Wunzi est à l’âge où les indiens doivent choisir leur esprit protecteur qui les guidera sur le chemin de leur vie.

Pour cette cérémonie importante et grave, le jeune indien a construit une hutte de branches dans la prairie. Pour cette initiation, il devra rester dans cette hutte pendant 7 jours et 7 nuits sans manger ni boire.

Il s’installe donc dans cet abri, assis, les jambes croisées, une couverture sur les épaules et attends l’ange qui doit venir à lui. Trois jours se passent.

Au matin du quatrième jour, un étranger apparaît à l’entrée de sa hutte, le soleil dans le dos et s’assied en face de lui.

C’est un homme presque transparent, au visage aigu et au regard lumineux, très chaud et bienveillant. Il est vêtu d’un grand manteau de plumes et coiffé de longues feuilles vertes.

Wunzi le regarde les yeux plissés. Il ne sait trop s’il a devant lui, un homme véritable, ou si la faim qui creuse son ventre assaille sa tête et trompe son regard.

L’étranger se met à parler.

-Mon nom est Mondawmin. Je suis un messager du grand esprit. Je viens t’annoncer ceci : tu ne seras jamais ni un guerrier, ni un sorcier. Mais tu peux vivre plus utilement que les guerriers et les sorciers. Je détiens un secret que tu peux m‘arracher si tu acceptes de me combattre.

Mondawmin dit ces mots à voix calme et sourit. Wunzi se lève. Ses jambes sont faibles. Il se sent fiévreux. La tête dans les épaules, il dit :

-Puisqu'il le faut battons nous !

L’étrange messager se lève aussi. Ils s’empoignent dans la hutte de branches, chacun essaie de renverser l’autre. Wunzi serre les dents et s’accroche à son manteau de plumes, ses jambes tremblent, de toutes ses forces, il lutte, le ventre creux.

Enfin Mondawmin recule d’un pas, il prends Wunzi aux poignets et dit :

-C’est assez pour aujourd’hui. Demain je reviendrai.

Wunzi tombe à genoux haletant. Il reprend son souffle à grand peine. Quand il relève la tête, l’étranger a disparu.

Le lendemain, à l’aube, Wunzi attend debout sur le seuil de la hutte l’homme vêtu de plumes et coiffé de feuillage. Il arrive par la plaine, sans un mot, il lui saute dessus. Le jeune indien se sent plus faible que la veille, mais plus furieux et dur de coeur, il se bat jusqu’à l’épuisement. A l’instant où il va tombé évanoui dans l’herbe, Mondawmin le retient par les cheveux et lui dit impassible :

-Demain, nous combattrons pour la dernière fois. Alors mon fils tu devras me tuer. Maintenant écoute : quand je serai mort, tu me déshabilleras et tu m’enterreras. Tu me laisseras reposer en terre. Tu viendras de temps en temps nettoyer ma tombe. Qu’aucune herbe ne pousse sur mon corps enterré. Alors quand le temps sera venu je renaîtrai.

Ainsi parle le messager du grand esprit. Puis, immobile, il devient éblouissant comme le soleil et disparaît.

Le lendemain matin, voilà six jours que jeune indien n’a ni mangé, ni bu. Debout devant la porte de sa hutte, il voit trembler les arbres lointains et l’horizon comme un mirage. Sa tête tourne, il s’avance en titubant sur la plaine. Alors tout à coup, le messager du grand esprit apparaît devant lui comme s’il était soudain sorti de terre. Il sourit comme au premier jour, son sourire est chaleureux et bon. Il ouvre les bras, Wunzi aussi, et les voilà qu’ils s’embrassent comme père et fils depuis longtemps séparés.

Wunzi en pleurant serre Modawmin très fort, aussi fort qu’il le peut et bientôt les bras de l’homme au manteau à plumes tombent inertes le long de son corps, sa tête se renverse en arrière, ses yeux se ferment et il meure ainsi.

Alors Wunzi s’agenouille et couche dans l’herbe le messager céleste. Il le déshabille, creuse une fosse et l’enterre. Puis il rentre chez lui et mange enfin après 7 jours de jeûne.

Passent les semaines, le printemps, puis l’été. Wunzi vient de temps en temps nettoyer la tombe de Mondawmin, le messager. Au premier jour de l’automne, il découvre une plante qu’il n’a jamais vue, une plante aux longues feuilles exactement semblables à celles que l’homme au manteau à plumes portait sur sa tête.

Ces feuilles enveloppent un épi luisant, doré, Wunzi se penche et le prends dans les mains, délicatement :

-Mondawmin revient au monde, dit-il simplement.

Wunzi, l’enfant indien pacifique et pauvre regarde émerveillé, cette plante nouvelle que personne n’a jamais vue encore : le premier plant de maïs qui fut ainsi donné aux hommes.

 

 

Extrait de L’arbre à soleils légendes

de Henri Gougaud, ed Le Seuil coll. Points, 1979

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

8-Comment le chameau

acquit sa bosse

Conte européen

(Rudyard Kipling)

Et voici l’histoire suivante qui raconte comment le chameau acquit sa bosse.

Au commencement des temps, quand le monde était tout neuf et tout et tout, et que les animaux commençaient juste à travailler pour l’homme, il y avait un chameau qui vivait au milieu du désert Hurlant car il ne voulait pas travailler, d’ailleurs c’était un Hurleur lui-même. Alors il se nourrissait des bouts de bois, de tamaris, de plantes grasse et de piquants d’épine, avec une douloureuse paresse; et lorsqu’on lui adressait la parole, il répondait : "Bof ! " simplement "Bof" et rien d’autre.

Alors le cheval vient le trouver le lundi matin avec une selle sur le dos et un mors dans la bouche, et il lui dit :

-Chameau, ô chameau, viens donc trotter comme nous tous !

-Bof ! dit le chameau.

Et le cheval s’en fut le répéter à l’homme.

Alors le chien vint le trouver avec un bâton dans la gueule et lui dit :

-Chameau, ô chameau, viens donc chercher et rapporter comme nous tous !

-Bof ! Dit le chameau.

Et le chien s’en fut le répéter à l’homme.

Alors le boeuf vint le trouver avec son joug sur la nuque et il lui dit :

- Chameau, ô chameau, viens donc labourer comme nous tous !

- Bof ! Dit le chameau.

Et le boeuf s’en fut le répéter à l’homme.

A la fin de la journée, l’homme convoqua le cheval, le chien et le boeuf, et leur dit :

-Vous Trois, ô vous Trois, je suis navré pour vous avec ce monde tout neuf et tout ce qui s’en suit, mais cette chose qui dit bof dans le désert est incapable de travailler sans cela, elle serait déjà ici. Je vais donc la laisser en paix et vous devrez travailler deux fois plus pour la remplacer.

Cela mit les Trois très en colère, avec ce monde tout neuf et tout ce qui s’en suit. Ils tinrent conseil à la limite du désert, ils discutèrent, ils palabrèrent....Le chameau arriva en mâchant des herbes, et plus que jamais dans une oisiveté mortelle. Il se moqua d’eux, et rit en les regardant puis il dit "bof" et repartit.

C’est alors qu’arriva le génie responsable de tous les déserts, enroulé dans un nuage de poussières, et il s’arrêta pour discuter avec le cheval, le boeuf et le chien.

-Génie de tous les déserts, dit le cheval, et bien est il juste qu’une créature soit paresseuse dans ce nouveau monde avec tout ce qui s’en suit ?

-Certainement non, répondit le génie.

-Et bien ! dit le cheval, il y a quelqu’un, au beau milieu de ton désert Hurlant, quelqu’un avec un long cou et de longues jambes qui n’a rien fait depuis ce matin et qui refuse de trotter.

-Hou ! Dit le génie en sifflant. Mais c’est mon chameau, par tout l’or de l’Arabie ! Et que dit-il quand on lui parle de ça ?

-Il dit "bof", dit le chien. Et il ne veut pas aller chercher ni rapporter.

-Et...dit-il autre chose ?

-Seulement "bof" dit le boeuf. Et il ne veut pas labourer.

-Très bien dit le génie. Je vais le "boffer" comme il faut, si seulement vous voulez bien attendre une minute !

Le génie s’enveloppa dans son manteau de poussière, survola le désert et trouva le chameau, toujours dans l’oisiveté la plus mortelle, qui regardait son propre reflet dans une flaque d’eau.

-Mon cher faiseur de bulles, dit le génie, qu’est-ce que j’entends dire à ton sujet ? Il paraît que tu ne travailles pas, dans ce monde tout neuf et tout ce qui s’en suit ?

-Bof ! Dit le chameau.

-Si j’étais toi, je ne répéterais pas ça, dit le génie : tu pourrais le dire une fois de trop ! Faiseur de bulles, je veux que tu travailles !

Alors le chameau dit encore une fois :

-Bof !

Mais à peine l’avait-il dit qu’il vit son dos, dont il était si fier, s’enfler, s’enfler et devenir une grosse bosse ballante.

-Tu vois ça ? Dit le génie. C’est ton propre "bof" que tu t’es mis sur le dos en refusant de travailler. Nous sommes aujourd’hui jeudi, tu n’a rien fait depuis lundi, quand le travail a commencé...A présent, tu vas te mettre à l’ouvrage.

-Mais comment le pourrais-je maintenant avec cette "bof" sur le dos ?

-C’est fait exprès, dit le génie, parce que tu as manqué ces trois premiers jours. Dorénavant, tu seras capable de travailler trois jours pleins sans manger, parce que tu vivras sur ton "bof". Tu ne diras pas que je n’ai rien fait pour toi ! Maintenant sors du désert, va rejoindre les Trois et tâche d’apprendre à te conduire. En route !

Alors le chameau se mit en route, avec son "bof" sur le dos et tout ce qui s’en suit, et il s’en fut rejoindre les trois.

Depuis ce jour-là, il porte toujours un bof sur le dos, mais il n’a jamais rattrapé les trois jours de travail qu’il a manqués au commencement du monde, et il n’a jamais pu apprendre à se conduire.

 

 

Extrait de R. Kipling, Des histoires comme ça, Folio Junior.

 

 

 

 

9-Le moulin magique

Où comment la mer est devenue salée...

Conte d’Europe du Nord

Longtemps le sel de la mer resta un mystère pour l’homme. Le conte présenté ci-dessous avance une explication que l’on retrouve aussi dans les traditions de Scandinavie et de Finlande, mais aussi de Chine comme on l’a vu avec le conte 4 Voila pourquoi la mer est salée : un moulin magique qui salerait la mer.

Ailleurs, certaines légendes bretonnes rapportent que la mer recouvrait des montagnes de sel, qu’en baie de St Brieux, des volcans en éruption crachaient des flammes de sel. Dans le pays de Tréguier, on dit que la mer, à force d’engloutir des bateaux chargés de sel est devenue salée et le sera de plus en plus...

Pat Livingstone était né à Terre-Neuve. Marchand, capitaine au long cours, brave parmi les braves, il connaissait les océans et les mers du globe comme sa poche.

Les cales de son bateau étaient pleines de bois d’érable du Canada, de blé et de minerai de fer du Québec qu’il revendait dans le monde entier.

Au retour de l’un de ses voyages, il fit escale dans un port de la Norvège. Il vendit les derniers sacs de blé et acheta une pleine cale de blocs de sel. L’affaire conclue, il reprit sa route vers Terre-Neuve. Le voyage s’annonçait plus dangereux que prévu. L’équipage affronta des tempêtes de neige du Grand Nord. La mer encombrée d’icebergs obligea le bateau à zigzaguer entre ces montagnes de glace. Ainsi le navire dévia de sa route et passa au large d’une île inconnue recouverte de l’épaisse couche blanche des hivers.

Soudain un bruit terrible déchira le ciel. Il sembla à l’équipage que l’île se fendait. On aurait dit que les rochers étaient réduits en bouillie !

-Vous avez entendu ? S’inquiéta un marin. Qu’est-ce que c’est ?

Le vacarme continuaient. Un frisson parcourut l’ensemble des hommes. Seul le capitaine, Pat Levingstone, garda son calme. Fidèle à son courage légendaire, il prit la décision d’accoster l’île.

Pat choisit trois de ses marins les plus vigoureux et, sautant dans un canot, ils s’élancèrent vers le rivage.

A peine avaient-ils posé le pied sur la plage enneigée qu’un craquement plus effroyable se fit entendre. Les quatre hommes en eurent le souffle coupé. Le bruit provenait d’une falaise qui s’élevait devant eux. Le capitaine s’exclama :

-Allons mes gaillards, du courage ! Nous ne sommes pas de vulgaires mousses, tonnerre !

Pat marchait en tête. Le vent battait les pierres et soulevaient la neige. Dans la bourrasque, le bruit s’amplifiait. Il était tout près maintenant. Pat parvint en haut de la falaise et se dissimula derrière un rocher.

-Regardez ! S’écria-t-il.

Les hommes furent stupéfaits. Là-bas, immobile, les bras levés au ciel, un homme ! Vêtu d’une peau de renne, les cheveux hirsutes, la barbe épaisse, il criait des incantations. Pourquoi diable ? Et que disait-il ?

L’homme en question n’était autre qu’Ulrik le magicien connu et redouté de tous dans le Grand Nord. Il se tenait devant une bien curieuse machine qui faisait un bruit incroyable. Ornée d’un entonnoir sur le haut, elle crachait du sable sur le côté.

C’était donc ça la cause du vacarme, mais comment était-ce possible ?

Pat ne tarda pas à le savoir.

Ulrik prononça des paroles étranges :

-Rocher tu es, poussière tu seras !

A ces mots, un bloc de pierre s’éleva, comme porté par des forces invisibles, il prit la direction du gros entonnoir.

-Ô moulin magique ! Cria le sorcier. Croque ce roc !

Le rocher disparut dans la machine. Il fut broyé et en ressortit sous la forme d’un tas de sable.

-Vous avez vu ça mes amis ?

Pat n’en croyait pas ses yeux.

-Il me faut cette merveilleuse machine, elle moud les rochers comme du poivre, elle moudra bien le blé et le sel, sacre bleu ! Attendons que le sorcier s’en aille pour nous en emparer confia-t-il à l’un de ses matelots.

La nuit venue, Ulrik en profita pour s’éclipser dans un nuage blanchâtre afin de prendre un peu de repos.

-C’est le moment ! Cria Pat.

Avec ses hommes, il se précipita pour emporter l’instrument magique. Chacun se mit à un coin et le souleva. Il faisait un poids inimaginable. Tant bien que mal, ils le transportèrent jusqu’au canot.

-Dépêchons nous ! Souffla le capitaine. Plus vite nous serons partis, mieux ça vaudra !

Il fallut l’équipage au complet pour hisser le fameux moulin à bord du navire. Une fois mis en cale, le bateau reprit sa route vers Terre-Neuve.

Pat Levingstone se frottait les mains :

-Nous avons fait l’affaire du siècle ! Se réjouit-il.

Il débordait tellement de joie qu’il en oublia vite son larcin. Il réunit ses marins au fond du bateau et leur dit :

-Regardez de quoi est capable ce moulin, ouvrez bien vos yeux !

Il prit un énorme bloc de sel :

-Ô moulin magique ! S’exclama-t-il, croque ce morceau de sel. Et il le jeta dans l’entonnoir. Une fine poussière blanche ressortit de la machine. Les hommes furent enchantés. A leur tour ils se mirent à l’ouvrage...

Mais voici ce qui se passa. Bientôt le plancher de la cale fut recouvert de sel. Puis, très vite, la cale fut remplie à moitié, et le niveau monta tellement que Pat s’écria :

-Ô moulin magique, je t’ordonne de cesser de moudre !

Mais autant parler à une souche ! La machine infernale continuait de plus belle. Le sel déborda sur le pont. A bord la panique s’empara de l’équipage. Rien ne pouvait arrêter le moulin ; la coque s’enfonçait doucement dans la mer. Les marins avaient beau courir dans tous les sens, jeter les objets encombrants pardessus bords pour alléger le navire, rien n’y fit.

La mer recouvrit hommes et navire. Pat et ses hommes avaient cruellement payé le vol du moulin...Tout le monde ne peut pas être magicien.

Mais c’est depuis ce temps-là que la mer est salée. Car, ne vous y trompez pas : quelques part, au fond de l’océan, le moulin du sorcier Ulrik continue à moudre des blocs de sel...

Extrait de Mille ans de contes de mer, ed Milan, 1994.

10-L’origine du monde

et des hommes

Conte d’Afrique Australe

Autrefois, il y a très longtemps de cela, quand le soleil et la lune ne brillaient pas encore dans le ciel et quand le monde se résumait à une brume verdâtre de la forêt vierge, les Esprits se réunirent pour élire leur roi. Après d’interminables conciliabules, ils hésitèrent entre le fort Ntogini, l’habile Ndoga-gin et le sage Mguri-mgori.

Un esprit insignifiant et faible nommé Impisi s’adressa alors à tout l’assemblée :

-Choisissons pour roi celui d’entre nous qui réussira l’exploit le plus remarquable.

Tous les esprits furent d’accord.

Le fort et courageux Ndogagini se leva et, d’un seul geste de la main, dissipa la brume verdâtre de la forêt.

Le vif et adroit Ndoga-gin fit, lui aussi, un geste de la main et créa la terre.

Le sage Mguri-mgori étendit ses bras sur la terre et, aussitôt, la forêt se mit à pousser, les ruisseaux et les rivières à couler, les lacs à se remplir d’eau.

Sur ce, le robuste Ntgogini gonfla ses joues et souffla. Il arracha tous les arbres de la forêt, en engendrant vents et tempêtes.

Ndoga-gin réunit tous les Esprits morts depuis les origines du temps pour les suspendre dans le ciel, créant la lune et les étoiles.

Mguri-mgori prit l’un de ses yeux et le lança haut dans le ciel où il se transforma en soleil.

Ensuite, Ntgogini créa les nuages, Ndoga-gin la pluie et Mguri-mgori l’éclair. Peu à peu, la terre acquit son apparence définitive, seuls les hommes y manquaient.

Alors, le faible et insignifiant esprit Impisi se présenta à nouveau devant la grande assemblée et dit :

-Les trois dieux sont en vérité très puissants, mais il me semble que Mguri-mgori soit tout de même le plus fort d’entre eux. Faisons-en notre roi s’il parvient à créer des être semblables à nous, les Esprits.

Tous les Esprits acceptèrent la proposition d’Impisi. Mguri-mgori leur fit ses adieux et se retira dans un lieu connu de lui seul. Il resta absent très longtemps, se montrant discret à son retour sur ce qu’il avait fait pendant sa retraite. Il se contenta de dire :

-Je vais créer des êtres semblables à nous. Je leur accorderai le privilège de régner sur tout ce qui se trouve sur la terre, mais ils auront deux devoirs : celui de nous obéir, à nous, les dieux et les Esprits, et celui de se laver tous les jours dans l’eau fraîche et courante pour que leurs pensées soient pures.

Après avoir manifesté bruyamment leur enthousiasme, les Esprits l’élurent roi. Seul le fort Ntogini en fut mécontent, car il jalousait Mguri-mgori.

Il souffla de toutes ses forces et une terrible tornade dévasta la terre.

Les fleuves sortirent de leurs lits pour inonder les terres. Lorsque la tornade s’apaisa et que les fleuves retrouvèrent leur cours habituel, des marécages s’étendirent un peu partout. Et voilà que les hommes se mirent à sortir de toute cette boue.

Comme ils sont issus des marécages, leur peau est noire, mais comme ils se baignent tous les jours dans l’eau cristalline des rivières, leurs pensées sont d’une blancheur éclatante.

 

Extrait de Légendes et contes africains, éditions Gründ 1995


 

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